L'Univers d'Henric Decoster
Infocréateur


par Jean-Marie Bailly


Pour Henric, l'art c'est sa vie.




Itinéraire d'un explorateur de l'infographie

De fait, c'est tout jeune qu'il a commencé à s'intéresser à l'Art. Né à Anderlecht près de Bruxelles le 11 septembre 1953, après des études à l'Athenée J. Bracops à Anderlecht, il entre à quinze ans, en 1968, à l'Académie des Beaux-Arts de Bruxelles pour étudier le dessin; après quoi il suit les cours de peinture et de gravure à l'Ecole des Arts d'Anderlecht. Et pour compléter sa formation, il étudie la lithographie à l'Académie des Beaux-Arts en langue Flamande à Anderlecht et à l'Institut des Arts Graphiques de Bruxelles, ce qui l'amène par la suite à collaborer avec divers artistes renommés, dont Jo Delahaut et Roger Somville.

Pourvu d'un bagage artistique pluridisciplinaire, ce jeune artiste va alors explorer l'horizon professionnel de l'illustration, en travaillant avec Rossel Edition, le journal Le Soir, les Editions du Lombard et les Editions Fleuve Noir à Paris. Assez rapidement sa démarche introspective l'amène à pénétrer de plus en plus dans l'Art fantastique; c'est le début d'une longue période (1973-79) de recherches accompagnées d'une série d'expositions de dessins, gravures et peintures, ainsi que d'expériences notamment au sein du Groupe Odyssée.

En 1980 l'artiste est à l'aube d'une nouvelle démarche, qui va l'orienter vers son Univers cubique. Quatre ans plus tard, l'apparition du micro-ordinateur le pousse à chercher dans l'Art Assisté par Ordinateur un nouvel instrument de création. Mais c'est précisément l'arrivée du Macintosh II d'Apple Computer et la rencontre avec Thierry Cloës en 1988 qui va lui permettre de concrétiser ses recherches. Et c'est grâce à l'aide enthousiaste de ce dernier qu'aujourd'hui ce merveilleux outil lui sert de base de travail et de réflexion pour l'aboutissement de ses oeuvres.


Henric DECOSTER métamorphose le fantastique

Quittant à pas feutrés ses paysages délibérément monstrueux des années 1975-79, où il exprimait avec une ironie grinçante, se référant à Jérome BOSCH et Salvador DALI, l'ultime hallucination de notre humanité décadente (Atterrissage imprévu, La Tour de Babel, Le Cavalier endormi...), Henric, explorateur insatiable du fantastique a, dès 1980, orienté sa démarche vers une recherche plus profonde et plus intérieure de la vérité.

Les châteaux mystérieux, les paysages baroques et tourmentés, hantés de monstres hybrides qui autrefois criaient l'état de décomposition patente de notre planète, ont peu à peu laissé place à des paysages sereins, désertiques, réduits cette fois à une extrême sobriété; cette attitude ascétique de l'artiste marque sa volonté de concentrer l'objet de sa réflexion, et d'exprimer son état d'âme au départ d'éléments essentiels et fondamentaux tels que la pierre et la lumière.


Une interrogation au travers de l'intemporel

Ses nouveaux paysages, comme rescapés d'une ère postatomique, ne sont plus qu'amas et juxtapositions de masses cubiques, ne sont plus qu'espaces vides où ne règnent que lumières et ombres, se fondant au loin parmi des brumes; un univers pétrifié, intemporel et fragmenté.



La pierre et le passé... toujours présents

De cette fragmentation perpétuelle qu'opère Henric sur l'immensité universelle rejaillissent toutefois les réminiscences d'un lourd et lointain passé; celui de l'homme face à la nature, celui de l'artiste à la fois marqué par le côté étrange de la nature et fasciné par les architectures ascensionnelles. D'une part des impressions de plages et de mers, de falaises et de promontoires, de climats tantôt lumineux tantôt nébuleux...qui font penser à la Chaussée des Géants entre l'Ecosse et l'Irlande, ou aux villages blancs perchés sur les côtes de l'île de Santorin, ou encore à l'antique Porte des Lionnes à Mycène.



La fascination des effets

Lorsqu'il entame une création, Henric fait table rase de ses précédentes conceptions formelles. Pour engendrer son nouvel univers plastique, il choisit la forme originelle : le cube. De même que l'atome structure la matière, l'élément cubique régit la composition du peintre, se développant de manière organique, pour faire naître des volumes rongés tantôt par la lumière, tantôt par la pénombre, disposés en perspective dans des espaces agencés où dialoguent des effets plastiques.



Le yin et le yang...
la recherche permanente de la vérité

Opérant sans cesse sur les oppositions de lumières et d'ombres, de clartés sur des fonds flous, de pleins et de vides, de plats et de reliefs, de formes qui se déforment, de dur et de doux, de positif et de négatif, d'unicité et de multiplicité..., l'artiste scrute son monde, notre monde, à la recherche d'un autre horizon, un horizon à la fois idéal et étrange mais qui ne lui est pas du tout étranger.



Une vision au delà de l'impression

C'est une vision toute faite d'intériorité, dans des teintes monochromes, où l'absence de couleurs vives accentue l'expression sensible et l'esprit mythique de son oeuvre. Pour lui "le tableau est une fenêtre de l'esprit". La nudité aride de ses décors renforce l'ambiance de solitude devant l'incertain, une atmosphère qui appelle l'imagination, dans laquelle il aime se replonger pour s'exprimer dans une investigation personnelle.



La réflexion digitalisée

Les moyens techniques du Macintosh n'inspirent nulle crainte à l'artiste. Les facultés révolutionnaires de mémorisation, de répétition, de superposition, de simulation et de reproduction, participent à ce que Henric considère comme une nouvelle renaissance.

Henric DECOSTER, artiste fantastique digitalisé, serein dans un monde de troubles, continue d'ériger, d'élever sur des bases structurantes l'horizon, la lumière, la perspective, l'âme... sa propre personnalité.



Les horizons 3000

Aux commandes des claviers magiques de son Macintosh et en dialogue perpétuel avec ses écrans-hublots, Henric nous invite à voyager dans son univers intérieur. Survolant ses paysages infocubiques, il s'éloigne dans les nuages aux mille soleils couchants.


Il nous raconte son imaginaire...



J.M. BAILLY
Historien d'Art